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jeudi 19 décembre 2013

Vase

J'aime me promener du Talbot Memorial Bridge jusqu'à l'East Link Toll Bridge en longeant la Liffey par sa rive Nord : Custom House Quay puis North Wall Quay se succèdent sans ligne de démarcation visible.
Au sol, parmi les pavés où mes pas sont souvent incertains, quelques bulles de verre bleu coloré cachent de petits poissons argentés figés dans la silice.
Les rails des anciens quais de déchargement de marchandises ont été conservés. La Liffey s'écoule lentement, paresseusement, indolente et indifférente aux alarmes matinales des courtes journées hivernales. Le cris des mouettes parfois rieuses éventrant le ciel de leurs ailes belliqueuses, et, les pleures des goélands patauds bivouaquant sur les rambardes métalliques séparant mon chemin du faible courant dressent autour de moi un univers sonore chaque jour un peu plus familier.
Je n'en finis plus de laver mon sombre passé dans l'eau froide et clapotante de la capitale irlandaise. Combien de machines ? Combien de cycles faudra t-il encore ? Prélavage, lavage, rinçage, essorage, lavage, rinçage, essorage de mes pauvres sentiments embourbés dans la boue des portes définitivement closes.
Je marche le long de la Liffey. Le vent d'Ouest me pousse d'abord, puis me heurte de face au retour. Je marche le long de la Liffey. Je marche sans savoir. Mes mains ont froid. Je resserre mon écharpe.
Si je pouvais, d'une grande estafilade faite avec la pointe aiguisée d'une baïonnette rouillée, je m'ouvrirais le ventre de haut en bas pour répandre sur la pierre granitique soumise aux frimas un grand vide de galaxies affectives reliées les unes aux autres par de puissants courants cosmiques engloutissant quelques années lumières de solitudes.
M'ouvrir ainsi le ventre pour déverser sur les quais Nord de la Liffey ma cargaison de souvenirs avariés venue d'Amérique du Sud, du Brésil, de Salvador, de Manaus, suivant le cours ancien des grands navires de charges, gabares et clippers, voiliers et bricks négriers du 18eme siècle déchargeant leurs lots d'illusions perdues et de faillites matérielles.
Un ventre de vase que le temps finira bien par assécher avant de tout changer en poussière.
Combien de temps ? Je marche le long de la Liffey pour ne plus y penser. Je passe mon temps à me perdre. Et j'écris. Je passe mon temps à marcher et à écrire. Déjà un livre. Le deuxième végète. Il arrive. Je tourne en rond dans ma chambre d'hôtel. Je dois trouver un appartement. Quelques mouettes me frôlent et me bénissent à la fois. Le soir tombe sur Dublin.
                                                                                                                   Julian Stuart

lundi 28 octobre 2013

Ailleurs

En pleine nuit
Je me suis réveillé,
Un cauchemar, un mauvais bruit
M'avait dévasté

J'étais debout
Devant ma tombe,
Une grande roue
Lançait des bombes

Et j'étais là
Devant cette pierre ovale,
Puis une fontaine coula
Sur mes joues pâles

Une autre sorti de la pierre,
Remplit la margelle
Où grimpait le lierre,
Formant des ocelles
Sur un coin de terre,

Je lisais des lettres
Puis des noms de villes
J'avais du être
Un entre mille
J'avais du paraître.

Etais-je déjà mort,
Ou simplement ailleurs ?

                               Julian Stuart

vendredi 18 octobre 2013

South quays

Julian Stuart blog - http://unairdedublin.blogspot.com
South quays - Dublin

Peter

Lorsque je suis revenu chercher mon linge déposé la veille dans une laverie de Ringsend, cet ancien quartier de pêcheurs au bout des docks, Peter m'accueillit avec le sourire. Je n'eus pas beaucoup de mal à entamer la conversation avec ce vieil homme jovial aux cheveux blancs. 

Irlandais de souche il avait tenté sa chance pendant 10 ans à New York, dans les années 80, avant de revenir vivre ici, dans sa ville natale. A l'âge de la retraite pour certains, lui avait décidé de créer cette petite laverie dont la façade repeinte en bleu azur se fonçait, en soirée, dans l'ombre des pierres de granit de la St Patrick's Church dominant Bridge Street. 

 "- Je cherche un appartement, lui dis-je en anglais après avoir récupéré mon ballot de linge.
 - Vas voir à gauche, juste avant le pont, au carrefour, il y a des appartements à louer, me conseilla t-il"

Je suivais ses indications et marchais jusqu'à une résidence dont la grille d'entrée était fermée par une porte à gâche et un digicode. Profitant de la sortie d'une femme et de sa fille accompagnées de leur panier à provisions, je me me faufilais dans la première cour intérieure jusqu'à l'escalier A. Là, je sonnais à l'interphone de l'agence immobilière. Une voix me répondit rapidement. 
Seul devant une caméra de contrôle, j'expliquais alors, dans un anglais approximatif, la raison de ma venue. L'inconnu dont le cul était certainement vissé sur une chaise de bureau gris foncé à roulettes, trois étages au dessus de ma tête, me répondit qu'il n'avait rien de disponible en ce moment. Le remerciant rapidement, je le saluais et décampais sur le champs.

Après être ressorti de la résidence, je marchais au hasard sur quelques dizaines de mètres en levant parfois la tête vers de grandes affiches promotionnelles colorées. Tenace, je renouvelais ma demande à une autre agence ayant cette fois-ci pignon sur rue :
"- I'm looking for an apartment to let "

Là aussi la réponse fut négative. Le vendeur, la trentaine, plutôt grand, vêtu d'une simple chemise à carreaux  et d'un pantalon beige clair un peu large était sorti dehors pour prendre sa dose de nicotine. il me confia qu'ici, à Ringsend, beaucoup d'appartements étaient déjà loués par les employés de Google et Amazon dont les bureaux flambant neufs étaient visibles juste derrière le canal (la River Dodder), non loin de l'Aviva Stadium, nouveau stade ultra-moderne qui avait remplacé en 2010 l'historique Lansdowne Road.
Comme il ne faisait pas froid, nous parlâmes quelques instant du marché immobilier, de la pénurie de biens locatifs et des loyers élevés. "-Les gens ne peuvent pas acheter, c'est encore difficile ici, l'économie redémarre à peine, alors louer est la seule solution pour beaucoup", me dit-il avant de jeter sa cigarette vers le macadam humide et peu fréquenté de la rue longeant le canal.

Même si ma recherche avait été veine jusque là, je reprenais Bridge Street sans oublier de m'arrêter un instant chez Peter pour le remercier du tuyau.

"You want a coffee ?" me proposa Peter pour me remonter le moral.
J'acceptais avec plaisir et le suivais dans la petite arrière boutique étroite repeinte en blanc. Dehors le clocher de St Patrick's Church sonnait déjà les cinq coups de l'après-midi. Au dessus de ma tasse de café chaud, j'observais, amusé, les tambours de la laverie de Peter qui tournaient en rythmes désordonnés, lançant parfois des éclats de lumière métalliques dans notre direction.

Julian Stuart

mercredi 16 octobre 2013

Dublin Sud

Dublin Sud

Déclin français

La France de 2013 est en déclin. Cela n'est pas nouveau. C'est un long processus qui a débuté à la fin des années 70. Vu d'Irlande, avec le recul nécessaire à la réflexion, l'échec français est patent. Echec économique. Echec politique. Echec institutionnel. Echec européen. Echec social. Echec éducatif et générationnel. Si je devais écrire un essai sur le déclin français, mon plan serait à peu près celui-ci : 

Echec économique : Problématique de la dette qui n'a cessée d'augmenter depuis 30 ans pour atteindre bientôt 100% du PIB; elle ne sert plus à financer l'investissement mais le fonctionnement et les dépenses courantes (fonction publique fossilisée, dépenses sociales non maîtrisées, système de santé à l'agonie). Une pression fiscale injuste, étouffante et improductive. Une désindustrialisation anémiante. Un appauvrissement général des acteurs économiques de terrain. Une compétitivité laminée. Une culture économique pénalisante et inadaptée à l’émergence de nouveaux talents. Un chômage structurel et politiquement entretenu.

Echec politique: Un système politique bipolaire et stérile. Une politisation excessive. Une corruption intellectuelle et parfois matérielle des élites. La montée dangereuse des partis extrémistes. Une absence de prospective à moyen et long terme. Une absence d'ouverture politique. La reproduction au niveau national et local d'un système de "cours", injuste et méprisant des réalités. Un appauvrissement du débat public.

Echec institutionnel: Un rejet populaire des institutions. Des lois trop nombreuses et incomprises. Des institutions poussiéreuses, pesantes et trop coûteuses. Une justice engorgée. Des contre-pouvoir exécutifs trop limités. Un découpage territorial dispendieux et inadapté au fonctionnement de la société. Une absence de démocratie parlementaire.

Echec européen: La lente agonie du moteur Franco-Allemand. Une vision française trop nationaliste. Une perte de leadership. Une absence de stratégie géopolitique entraînante au sein de l'UE. La naïveté et le manque de courage face aux grands acteurs économiques et géopolitiques de la mondialisation. Une incapacité à promouvoir les enjeux écologiques. 

Echec social :  L'incapacité à endiguer la montée de la violence et de l'insécurité. L'instabilité des banlieues et le développement des zones de non-droit. La radicalisation des acteurs sociaux et l'inefficacité de la culture du rapport de force. La complexité excessive du droit social. Une fiscalité sociale excessive et paralysantes. L'échec des 35 heures et des lois de déresponsabilisation. Une politisation excessive et l'absence de dialogue pragmatique sur les principales problématiques sociales. L'opposition culturelle et improductive entre compétitivité économique et progrès social. L'échec des politiques de réduction de la transmission des inégalités. L'impunité des acteurs économiques financiers.

Echec éducatif et générationnel:  (C'est le plus inquiétant de tous les échecs car il fonctionne sur des cycles longs de une à deux générations). Déclassement de notre système éducatif. Sclérose et omnipotence de l'éducation nationale. Non culture de la gratification et de la responsabilisation. Dévalorisation de l'enseignement technique et manuel. Sublimation de l’inefficacité et de l'improductivité. Non reconnaissance des différences. Absence de prise en charge éducative alternative en cas d'échec. Frustration générationnelle aux causes multiples.

Je ne parlerai pas ici des problématiques liées à l'immigration qui enflamment en permanence les discours des partis extrémistes français que j’abhorre. Ces derniers sont tous aussi irresponsables les uns que les autres (extrême droite et extrême gauche). Chaque époque recherche ses boucs-émissaires. Il est toujours plus facile de rejeter nos fautes et nos erreurs sur les autres que sur nous même. L'immigré a toujours été, de tout  temps, un bon défouloir à la souffrance, à la mauvaise-foi, à la haine et à la bêtise. Il est tout aussi dangereux de "laisser-faire" que de "fermer la porte". Je considère que 90% des problématiques d'un individu sont les mêmes, que l'on soit Français ou immigré. Le dossier de l'intégration doit donc se traiter comme un dossier spécifique du pacte social, mais ne doit en aucun cas conditionner les décisions à prendre sur les autres problématiques sociales qui concernent et impactent l'ensemble de la société française. 

Julian Stuart

dimanche 13 octobre 2013

Cocktail

Fin de semaine à Dublin

Il y a dans le cocktail dublinois un fond solidaire de traditions celtiques et anglaises mélangé à un shoot mentholé de modernité créative. Il y a aussi  du trèfle vert, de l'énergie, de l'eau pétillante, une bonne dose de dérision, de la chaleur, des glaçons, des filles, des garçons, des bières, de l'amertume, de la musique dans les rues et dans les pubs, des nuages de crème avec quelques pépites de chocolat dessus, des tourbillons de vent, du rugby et un zest de folie irlandaise.

Ici, chaque rue commerçante du "city center" grouille de passants, touristes, habitants, financiers, artistes de rue, femmes avec poussettes, amis, mendiants, joueurs de musique, amants, étudiants, ouvriers de la chaussée préparant la future ligne de tramway (LUAS), salles de sport, pubs, stations de train (DART), galeries commerciales, jardins, statuts, taxis et magasins de sports aux chaussures bariolées. Il y a aussi des bus à deux étages, des petits magasin d'alimentation, des barbiers, des restaurants, des statues de bronze, des café-sandwicheries, des pubs encore et toujours, des filles aux cheveux longs, des lumières artificielles et des garçons en jean ou en survêtement. Il y a encore des librairies, des rangées de maisons géorgiennes, des vieux loups de mer, des enfants courants, des vélos parfois suivis de triporteurs kamikazes, des box vertes pour le courrier, des calèches. Et encore des pubs au coin des rues pavées, des bâtiments modernes, des impasse défraichie et des murs aux couleurs vives renvoyant aux passants la fraîcheur de la mer d'Irlande. 

Le matin est souvent nuageux. Le soir aussi. La pluie fine est fréquente; elle nous surprend pourtant. Le soleil s'invite sans prévenir, alors le ciel bleu océan joue sa partition large, pure et éphémère. 

Les vendredi et samedi soir, reliant les banlieues Sud et Nord au centre-ville, les bus accélèrent, tournent à la corde et foncent, embarquant des groupes de garçons alcoolisés dont certains, pris d'un soudain mal de mer, descendent en chemin pour respirer à quatre pattes l'air frais des pelouses. Les filles, plus sages, assises par deux ou par trois, dans leurs tenues pailletées, retouchent leur maquillage en détournant les vitres nocturnes des bus pour en faire des miroirs de conte de fée. 

Dans les pubs à touristes du City Center, la musique irlandaise s'évade de vieux instruments bien tenus en main par des musiciens à l'humour caustique et vif. Elle est relayée, de pièce en pièce et d'étage en étage par les hauts-parleurs encadrant les écrans LCD. Rapidement déposée par les serveurs et serveuses impassibles et parfois flegmatiques, la Guiness brune et mousseuse est vendue dans des verres d'un demi litre avant de tourbillonner dans les nombreux gosiers des consommateurs rieurs et assoiffés.

Dans les autres pubs des banlieues résidentielles, éloignés à plus de trente minutes en bus de Temple Bar, là où seuls les irlandais se retrouvent pour finir la semaine, l'ambiance est studieuse autour des écrans relayant en direct le match de rugby de l'équipe locale contre une équipe Galloise heureusement étrillée.Les tournées de bière brunes, blondes ou rousses s'enchaînent dans une ivresse bon enfant autour des tables hautes et des tables basses. Les cheveux blancs sont majoritaires. Les applaudissements jaillissent à chaque action marquante des maillots bleus de Leinster. Les va-et-viens vers les toilettes sont fréquents et salvateurs. La serveuse brune aux joues adolescentes et aux yeux soulignés de noir plaisante de bon cœur avec quelques papis conquis tandis que ses collègues masculins en tenu noire et blanche, à tour de rôle, déclenchent l'ouverture endiablée du tiroir-caisse.

Un peu avant minuit, quelques trains repartent de Connolly station. De ma fenêtre entre-baillée j'entends clairement un bouquet de rires et de chants colorés monter vers le ciel noir recouvrant la capitale irlandaise. Demain c'est sûr, les Leprechauns, ces petits lutins verts à la barbe rousse, se cacheront encore au pied des arc-en-ciel pour y dissimuler leurs derniers trésors récoltés à l'aube dans les yeux des couches-tard épuisés.

Julian Stuart

Quartiers Sud

Julian Stuart blog - Unairdedublin.blogspot
Dublin - Quartiers Sud

jeudi 10 octobre 2013

Grand Canal Square

Julian Stuart blog - http://unairdedublin.blogspot.ie/
Dublin - Grand Canal Square

Voie 7

Dublin - Connolly station - voie 7

Connolly

Dans le DART qui me ramène
De Howth vers Connolly Station,

Il y a ce couple un peu laid
De vieux irlandais hold fashion
Habillés de couleurs sombres
Et de chaussures épaisses.

J'observe leurs ombres
Filer et grésiller sans cesse.

Assis face à face,
Sur les banquettes de velours vert,
Ils lancent leur lourde carapace
Entre terre et mer.

Après Howth, on quitte la côte
Le train circule entre les champs.

Derrière les vitres un peu haute
La pluie hésite et se reprend.

Ils ne parlent pas,
Leurs pieds sont encastrés,
Il y a dans cela
Un peu d'amour et de thé anglais.

Au troisième arrêt,
Deux garçons en uniforme,
Le teint pâle et filiformes,
Montent à nos côtés.

Puis les quartiers de briques
Enfin se reconnaissent,
Et leurs toitures symétriques
Réduisent notre vitesse,

Connolly arrive,
Côté Nord de la rive.
                                    Julian Stuart

Temple Bar

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Pub sur Temple Bar - Dublin

mercredi 9 octobre 2013

Absence

Entre les rails et les pierres
Des passages déserts,
Je lave mon corps
De sombres remords

Ni mauvais, ni mort
Je m'exerce à combattre le sort,
Ai-je eu tort
De partir vers le Nord ?

De grandes lames
A la hauteur des tours
Sabrent les âmes
Des hyènes et des vautours

Je ne veux plus d'amour
Plus de peine autour
Plus de lois
Plus de joie

Un contre un
Je t'ai perdu
C'est pas malin
Ce coup tordu

J'ai pleuré parfois
T'en ai voulu souvent
J'ai craché sur toi
Nul ne m'attend

Personne devant moi
Sur les quais de pierre
les vitrages froids
Se gorgent d'air

Je n'ai pas pleuré
J'ai menti
Je ne t'ai pas aimé
J'ai menti

Et je suis parti
                             Julian Stuart

lundi 7 octobre 2013

Les quais

Les quais Nord de Dublin le long de la River Liffey



Military manoeuvres

Visible à la National Gallery de Dublin, "Military manoeuvres" est un tableau de Richard Thomas Moynan, peintre irlandais de Dublin (1856-1906). 

Military manoeuvres - 1891 - Richard Thomas Moynan

"Military manoeuvres" a été peint en 1891. Le soldat en uniforme rouge représenté sur le tableau est un officier du 4th Royal Irish Dragoon Guards, régiment de l'armée de terre britannique (créé en 1685).
Après les révoltes de 1798 (Theobald Wolfe Tone) et de 1803 (Robert Emmet) contre l'occupant anglais, après la résistance pacifique de O'Connel (entre 1823 et 1845), après la grande famine de 1845-1846 qui fit près d'un million de morts et provoqua l'émigration d'un autre million vers les Etats-Unis, après l’émergence du mouvement nationaliste irlandais conduit par Charles Stewart Parnell dans les années 1880, il faudra encore attendre jusqu'en 1922 pour que l'Irlande réussisse à devenir un état libre et indépendant. 
Le tableau de Moynan s'inscrit dans une longue tradition de résistance et de pugnacité ayant définie, au fil des siècles, le caractère irlandais, endurci et humanisé par les difficultés et les injustices.

Julian Stuart

samedi 5 octobre 2013

Dieu ici

Assis le long de la Liffey
Julian Stuart blog - http://unairdedublin.blogspot.ie/
River Liffey's bank
Je perdais mon temps
Comptant en anglais
De un à sang,

Un pasteur anglican
Comme un fou chantant
Me bouscula
Et s'excusa,

J'étais dans l'ombre
Face à l'eau sombre
Sous les reflets inégaux
D'un large bateau,

- Sorry...
 Dit-il surpris
- J'allais tomber,
Lui fis-je remarquer,
Mais dans l'eau
J'aurais nagé,

- Dieu est haut,
Il vous aurait aidé

- Oui, traversant l'étang noir
Seul et sans espoir
J'aurais pu gagner
La rive opposée,
M'auriez-vous vu
Malgré vos prières
Si mes bras nus
Avaient touchée la pierre ?

- Non, dit-il en Père,
Après l'eau noire
Le corps s'égare
C'est un mystère,

- Et pourtant j'aurais réussi
Même sans vous plaire
Alors, Dieu ici,
A quoi ça sert ?
                                            Julian Stuart

vendredi 4 octobre 2013

Grattan Bridge

A Dublin, le plus ancien pont de la ville enjambe silencieusement la River Liffey depuis 1676. Le Grattan Bridge, d'abord construit avec les pierres d'une ancienne abbaye (St. Mary's), fut ensuite transformé, amélioré, modernisé par l'ajout de structures métalliques (1872) sur le modèle du Westminster Bridge de Londres. Il relie Capel Street au Nord à Temple Bar au Sud. 

Sur les rambardes, à la base des réverbères, des chevaux marins protègent la ville des tempêtes maritimes. Contrairement au Capricorne, moitié chèvre et moitié poisson, les chevaux marins du Grattan Bridge n'ont pas de cornes. Ils sont moitié cheval et moitié écaille, moitié terre et moitié mer, à l'image de l'Irlande, territoire végétal au milieu de l'océan. 

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Grattan Bridge in Dublin

Ils se cabrent par deux. L'un regardant vers le Nord et l'autre fixant le Sud. Faits de métal ils s'exposent au vent. Ce vent qu'on ne voit jamais mais dont on ressent le souffle. "Le vent qui tue, qui souffle, qui gémit, qui mugit, l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe pourtant" écrivait Maupassant.

Dans cet air océanique de capitale, le feu artificiel des réverbères dominant le tablier lancé au dessus de l'eau noire, ajoute, à la nuit tombée, le dernier des quatre éléments manquant, le feu, à ces sculptures étranges, décoratives et mystiques. 

Dublin me révèle son premier récit. Celui de Neptune et de son triomphe. Déjà représenté au troisième siècle après JC sur une mosaïque d'Hadrumète (Sousse), le Dieu romain est debout sur son char, tiré par deux chevaux marins. Voici ces chevaux marins, sculptés plus de 1 500 ans après, sur le Grattan Bridge.

Le triomphe de Neptune

Est-ce l'Angleterre Victorienne du 19e siècle qui a voulu marquer, sur ce plus vieux pont de la capitale,  l'héritage antique classique, afin, comme une gravure en creux, de mieux évincer les origines et la culture celte du pays conquis ?

Julian Stuart

jeudi 3 octobre 2013

Progrès

L'homme raisonnable s'adapte au monde.
L'homme déraisonnable persiste à essayer d'adapter le monde.
Tout progrès repose donc sur l'homme déraisonnable.

                                                              Georges Bernard Shaw

Albert EINSTEIN

Envol

Un pied dans l'eau, l'autre dans le ciel,
Je partage quelques racines
Mouillées de sèves et de rapines,
Quelques bols et une écuelle.

Maître chanteur sans voix,
Voleur sans lois,
Je perce mes yeux,
Glissant quelques aveux
Dans les corridors morts.

Crissez ! les grains de sable
Sous mes dents de mioche.
Le pain et la mer n'étaient que fable.
J'ai crucifié la roche,
Perdu un port, un filon d'or.

J'accompagne juste le vent
Que faire d'autre ?
Partir maintenant,
Brûler les portes et les apôtres.
                                                   Julian Stuart

lundi 30 septembre 2013

Partir vraiment

"Ne plus revenir" comme point de départ

Pas encore parti, je pense déjà au retour. Un peu comme si le nouveau né avait spontanément conscience de sa propre mort à venir. C'est détestable. Cette simple idée de revenir, de mourir un peu, ne me plait pas. Mais alors vraiment pas.
Pourtant, j'ai souvent ressenti par le passé, avec plaisir, cette sensation de retrouver ma ville, mes rues, mon quartier après des vacances d'une ou plusieurs semaines. Bien réelle, cette sensation était liée je crois à la simple joie de redécouvrir d'un œil neuf mon cadre de vie habituel, de pouvoir revoir les êtres aimés, leur raconter quelques anecdotes, échanger, écouter leurs réactions et leurs propres évènements, une poignée de  photos ou vidéos prises avec quelques smartphones colorés, plusieurs objets, un vêtement acheté, des souvenirs cachés... Simples satisfactions personnelles en fait. Et puis la routine se réinstalle, fatalement, durablement...
Telle est notre condition d'humain sédentaire : nous partons toujours pour revenir. Si cela n'était pas, nous serions nomades, sans port d'attache, sans base économique, sans territoire délimité, chaque départ serait alors définitif.
Mais nous revenons.
Nos ancêtres eux, ceux des lointaines périodes historiques ne revenaient pas. Ils partaient toujours plus loin. L'agriculture ne les avait pas encore fixés à un morceau de terre, un territoire, un pays, une nation. Peut-être aimons-nous retrouver aujourd'hui, dans nos départs successifs, le vague parfum d'un mode de vie passé. Mais cela n'est plus que loisir, divertissement, au sens où Pascal définissait le divertissement, c'est à dire un palliatif à notre immobilisme et aux maux quotidiens de nos vies. 
Je suis souvent parti pour revenir. Je le ferai encore, certainement, car comment vivre sans découvrir ? Mais l'idée de partir réellement pour ne plus revenir c'est autre chose, c'est bien plus fort. Partir pour vivre ailleurs. Changer tout. Vivre autrement. Parler autrement. Penser autrement. Voir et entendre différemment.

Malheureusement, le départ définitif est parfois contraint, pour des raisons de survie (misère, famine, guerre, dictature, pauvreté...). Le déracinement est alors douloureux et traumatisant. Il n'en est pas moins porteur d'espérance. Alors, lorsque l'expatriation est souhaitée, elle devient, contrairement à la mort qui marquera la fin absolue de chacun d'entre-nous, une fin relative ouvrant la porte vers une vie différente.

 "Ne plus revenir" comme point de départ.

Julian Stuart

dimanche 29 septembre 2013

Motivations

Arbre des départs
Penser partir c'est déjà ne plus être tout à fait soi-même

Certains ou certaines boivent, d'autres fument "peace and love brother", se droguent ou se soignent en avalant des pilules roses bonbon financées par le gouffre pachydermique de la sécurité sociale, s'abrutissent de télévisions, de stress, de travail, d'hyperactivité, se boulimisent de pizzas, s'empiffrent de crèmes dessert ou se badigeonnent de crèmes pour plaire... bref... certains ont tant de béquilles dans leur penderie que leur humeur ressemble d'avantage aux couloirs d'un hôpital en déficit structurel qu'aux yeux ronds d'un enfant devant un manège.
Comment partir ? Pourquoi partir ? Que cherche t-on ? Que fuit-on ? Que laissons-nous derrière nous ? Et que souhaitons nous découvrir ailleurs ?
Penser partir c'est déjà ne plus être tout à fait soi-même. Voilà, c'est par cette simple phrase qu'il convient de commencer le voyage. 
On ne part pas pour se trouver, mais pour se découvrir autrement.

Julian Stuart