A Dublin, le plus ancien pont de la ville enjambe silencieusement la River Liffey depuis 1676. Le Grattan Bridge, d'abord construit avec les pierres d'une ancienne abbaye (St. Mary's), fut ensuite transformé, amélioré, modernisé par l'ajout de structures métalliques (1872) sur le modèle du Westminster Bridge de Londres. Il relie Capel Street au Nord à Temple Bar au Sud.
Sur les rambardes, à la base des réverbères, des chevaux marins protègent la ville des tempêtes maritimes. Contrairement au Capricorne, moitié chèvre et moitié poisson, les chevaux marins du Grattan Bridge n'ont pas de cornes. Ils sont moitié cheval et moitié écaille, moitié terre et moitié mer, à l'image de l'Irlande, territoire végétal au milieu de l'océan.
Ils se cabrent par deux. L'un regardant vers le Nord et l'autre fixant le Sud. Faits de métal ils s'exposent au vent. Ce vent qu'on ne voit jamais mais dont on ressent le souffle. "Le vent qui tue, qui souffle, qui gémit, qui mugit, l'avez-vous vu, et pouvez-vous le voir ? Il existe pourtant" écrivait Maupassant.
Dans cet air océanique de capitale, le feu artificiel des réverbères dominant le tablier lancé au dessus de l'eau noire, ajoute, à la nuit tombée, le dernier des quatre éléments manquant, le feu, à ces sculptures étranges, décoratives et mystiques.
Dublin me révèle son premier récit. Celui de Neptune et de son triomphe. Déjà représenté au troisième siècle après JC sur une mosaïque d'Hadrumète (Sousse), le Dieu romain est debout sur son char, tiré par deux chevaux marins. Voici ces chevaux marins, sculptés plus de 1 500 ans après, sur le Grattan Bridge.
Le triomphe de Neptune |
Est-ce l'Angleterre Victorienne du 19e siècle qui a voulu marquer, sur ce plus vieux pont de la capitale, l'héritage antique classique, afin, comme une gravure en creux, de mieux évincer les origines et la culture celte du pays conquis ?
Julian Stuart
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.