Lorsque je suis revenu chercher mon linge déposé la veille dans une laverie de Ringsend, cet ancien quartier de pêcheurs au bout des docks, Peter m'accueillit avec le sourire. Je n'eus pas beaucoup de mal à entamer la conversation avec ce vieil homme jovial aux cheveux blancs.
Irlandais de souche il avait tenté sa chance pendant 10 ans à New York, dans les années 80, avant de revenir vivre ici, dans sa ville natale. A l'âge de la retraite pour certains, lui avait décidé de créer cette petite laverie dont la façade repeinte en bleu azur se fonçait, en soirée, dans l'ombre des pierres de granit de la St Patrick's Church dominant Bridge Street.
"- Je cherche un appartement, lui dis-je en anglais après avoir récupéré mon ballot de linge.
- Vas voir à gauche, juste avant le pont, au carrefour, il y a des appartements à louer, me conseilla t-il"
Je suivais ses indications et marchais jusqu'à une résidence dont la grille d'entrée était fermée par une porte à gâche et un digicode. Profitant de la sortie d'une femme et de sa fille accompagnées de leur panier à provisions, je me me faufilais dans la première cour intérieure jusqu'à l'escalier A. Là, je sonnais à l'interphone de l'agence immobilière. Une voix me répondit rapidement.
Seul devant une caméra de contrôle, j'expliquais alors, dans un anglais approximatif, la raison de ma venue. L'inconnu dont le cul était certainement vissé sur une chaise de bureau gris foncé à roulettes, trois étages au dessus de ma tête, me répondit qu'il n'avait rien de disponible en ce moment. Le remerciant rapidement, je le saluais et décampais sur le champs.
Après être ressorti de la résidence, je marchais au hasard sur quelques dizaines de mètres en levant parfois la tête vers de grandes affiches promotionnelles colorées. Tenace, je renouvelais ma demande à une autre agence ayant cette fois-ci pignon sur rue :
"- I'm looking for an apartment to let "
"- I'm looking for an apartment to let "
Là aussi la réponse fut négative. Le vendeur, la trentaine, plutôt grand, vêtu d'une simple chemise à carreaux et d'un pantalon beige clair un peu large était sorti dehors pour prendre sa dose de nicotine. il me confia qu'ici, à Ringsend, beaucoup d'appartements étaient déjà loués par les employés de Google et Amazon dont les bureaux flambant neufs étaient visibles juste derrière le canal (la River Dodder), non loin de l'Aviva Stadium, nouveau stade ultra-moderne qui avait remplacé en 2010 l'historique Lansdowne Road.
Comme il ne faisait pas froid, nous parlâmes quelques instant du marché immobilier, de la pénurie de biens locatifs et des loyers élevés. "-Les gens ne peuvent pas acheter, c'est encore difficile ici, l'économie redémarre à peine, alors louer est la seule solution pour beaucoup", me dit-il avant de jeter sa cigarette vers le macadam humide et peu fréquenté de la rue longeant le canal.
Même si ma recherche avait été veine jusque là, je reprenais Bridge Street sans oublier de m'arrêter un instant chez Peter pour le remercier du tuyau.
"You want a coffee ?" me proposa Peter pour me remonter le moral.
J'acceptais avec plaisir et le suivais dans la petite arrière boutique étroite repeinte en blanc. Dehors le clocher de St Patrick's Church sonnait déjà les cinq coups de l'après-midi. Au dessus de ma tasse de café chaud, j'observais, amusé, les tambours de la laverie de Peter qui tournaient en rythmes désordonnés, lançant parfois des éclats de lumière métalliques dans notre direction.
Julian Stuart
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.